CBD : 1 pas en avant, 2 pas en arrière
LE CBD EN FRANCE
DANS LE FLOU
Les magasins qui vendent toutes sortes de produits au CBD sortent de terre comme des champignons. Pourtant, avec son récent projet de loi, le législateur français cherche à restreindre la vente de fleurs et de feuilles de cannabidiol sur le territoire. Un choix qui ne fait pas l’unanimité au sein des acteurs du chanvre et laisse planer un doute juridique pour des centaines d’entreprises.
Le futur or vert encore mal vu
Le cannabidiol est la molécule non psychotrope présente dans le chanvre (Cannabis Stavia L.). Reconnu pour ses bienfaits apaisants, le CBD est devenu depuis quelques semaines un sujet de crispation entre l’exécutif et les acteurs du secteur. En un an, le nombre de revendeurs de CBD, en dehors des e-commerce, a été multiplié par trois pour atteindre les 400 en février 2021, d’après le syndicat national du chanvre. Le syndicat estime que le marché aurait un potentiel de 1 milliard d’euros en cas d’ouverture législative. Car c’est le noyau du problème. Si une forte croissance des « CBD shop » a été observée, c’est en partie en raison d’une récente décision de la Cour de justice de l’Union Européenne de légaliser la culture du chanvre, suite à l’affaire impliquant l’entreprise française KanaVape. Mais la France aime toujours aller à reculons.
En France, la production, la détention et son utilisation sont interdits par le Code de la santé publique, il est considéré depuis un arrêté du 22 février 1990 comme un stupéfiant. Il y a cinq ans, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a même souhaité mettre fin à toute exploitation du CBD. La première entreprise prise dans les mailles du filet était donc Kanavape. Créée en 2014 par Sébastien Béguerie et Antonin Cohen-Ahad, la jeune société commercialise des e-liquides pour cigarettes électroniques à base de CBD. Quelques mois après le lancement, les deux jeunes entrepreneurs ont notamment été accusés de trafic de stupéfiants. En 2018, ils écopèrent de 15 et 18 mois de prison avec sursis et doivent régler une amende de 10 000 euros.
La MILDECA en profite pour préciser quelques semaines plus tard, que l’utilisation et la commercialisation de fleurs de CBD, de feuilles de chanvre ou divers produits obtenus à partir de ces parties de la plante, ne sont pas autorisés, quelle que soit leur variété. Sébastien Béguerie et Antonin Cohen-Ahad saisissent alors la Cour d’appel d’Aix-Marseille qui demande à la Cour de justice de l’Union européenne de prendre part sur le sujet.
Mais le 19 novembre 2020 c’est un retour de manivelle pour la France. La Cour de justice de l’Union Européenne retoque la décision du Tribunal Correctionnel et invoque « la libre circulation des marchandises » au sein de l’Union Européenne qui « s’oppose à une réglementation nationale » comme celle de la France, « dès lors que le CBD en cause (…) ne peut pas être considéré comme un stupéfiant » . Elle poursuit en précisant que « le CBD en cause n’apparaît pas avoir d’effet psychotrope ni d’effet nocif sur la santé humaine
Un récent arrêté de la Cour de Cassation du 23 juin 2021 vient confirmer cette décision. Celle-ci reconnaît que la commercialisation de produits à base de cannabidiol n’est pas considérée comme illicite.
Prise à partie, la France est alors obligée de réviser sa législation, ce qu’elle fait avec son projet d’arrêté déposé le 20 juillet 2021 auprès de la Commission Européenne. Dans ce texte elle légalise l’importation, l’exportation, la culture, les utilisations industrielles et commerciales du chanvre, sauf exception faite pour les fleurs et les feuilles donc des produits à fumer et des tisanes. Les raisons sont les suivantes : Pour des motifs d’ordre et de santé publics. « L’objectif […] est à la fois de permettre le développement de nouvelles filières en France, de protéger les consommateurs et de maintenir la capacité des forces de sécurité intérieure pour lutter contre les trafics de stupéfiants » , justifie les auteurs du texte.
Des justifications réceptionnées autrement par Aurélien Delecroix, Président du Syndicat Professionnel du chanvre et fondateur de The Green Leaf Company, et Ludovic Rachou, President de l’UIVEC et fondateur de Rainbow. « C’est un premier pas dans le bon sens qu’il faudra compléter » , estime de son côté Ludovic Rachou qui a participé aux discussions et défendait deux choses : reconnaître que le CBD n’est pas un stupéfiant et autoriser l’exploitation agricole du chanvre. Malgré quelques avancées sur ces points, le dernier projet d’arrêté du gouvernement – datant du 21 juillet 2021 – laisse les professionnels dans un flou juridique, reconnaît Ludovic Rachou. « Le gouvernement est parti sur une ligne assez dure », ce qui obligera « certains acteurs à se réinventer » au risque de devoir fermer leurs portes. En tant qu’entrepreneur, Ludovic Rachou n’est pas directement concerné par les interdictions puisque à travers sa marque Kaya, il vend uniquement des huiles et des compléments alimentaires.
Aurélien Delecroix dénonce la contre-productivité de ce projet législatif. « Cette nouvelle réglementation n’est pas à même de permettre de faire du business dans un cadre serein pour les acteurs du CBD en France. Sous le motif de se mettre en conformité avec la réglementation européenne, c’est tout l’inverse que l’on fait » . Avec cette décision le « gouvernement prive les opérateurs de la part la plus importante des revenus générés par la filière CBD. La filière française du chanvre s’est concentrée depuis des années sur les produits issus du chanvre à plus faibles valeurs ajoutées, à savoir ceux de la fibre. On a déjà manqué le coche du marché prometteur de la graine en alimentation humaine qui a été développé avec succès par le Canada, la Chine ou les pays d’Europe de l’Est et qui est bien plus rentable pour les agriculteurs. Il serait extrêmement préjudiciable de ne pas avoir les conditions nécessaires pour faire de la valorisation de la fleur un marché concurrentiel » , souligne t-il.

L’empire contre-attaque
Le président du Syndicat Professionnel du chanvre ne compte pas en rester là et alerte sur le fait que plusieurs recours sont déjà amorcés. Il s’est lui-même rapproché de son avocat et semble confiant. Si la CJUE n’écarte pas la possibilité pour le pouvoir législatif français d’interdire certains produits, « il faut apporter des preuves scientifiques et il faut que ce soit justifié et proportionné » , argumente Aurélien Delecroix. « Nos avocats n’ont aucun doute sur le fait que ce projet manque au droit européen » . Sans compter que d’autres pays comme la Suisse ou le Luxembourg ont déjà pris le parti de rendre licites les fleurs, « on voit mal comment la France pourrait s’opposer à ces produits dans le cadre de la libre circulation » .
Des arguments que la Commission Européenne prendra sûrement en compte, pour trancher au cours des prochains mois, si ce nouvel arrêté Français est légal ou non, du point de vue du droit Européen. Ce qui laisse encore du suspens et des moments de doutes pour les entreprises de CBD.
À RETENIR
LE PLUS IMPORTANT
Le CBD est un marché de plus en plus fleurissant.
La cour de justice de L’UE autorise la libre circulation des marchandises
Nous ne savons toujours pas exactement si les fleurs de CBD sont autorisées ou pas
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